Comment retrouver la vente d’un bien national ?

La Chapelle Sainte-Anne (Bouée) © ADLA
La Chapelle Sainte-Anne (Bouée) © ADLA
Histoire foncière, Histoire économique

La Révolution française a entraîné des mutations foncières et immobilières inégalées avec la vente des biens devenus propriétés nationales par l’effet de lois promulguées à partir de 1789. Ils se divisent en deux catégories : biens de première origine et biens de seconde origine. La table "Maître" permet de retrouver facilement la trace d'un bien.

La vente des biens de première origine, instituée par les décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars 1790, était destinée à résoudre la crise financière qui a provoqué la Révolution. Elle fut étendue à celle des biens de seconde origine après le décret du 27 juillet 1792, mais les ventes de ces biens ne furent effectives qu’à partir de la fin de 1793 après la promulgation de la loi du 25 juillet de la même année.

Les opérations de recensement des biens nationaux et d’estimation de leur valeur furent confiées aux administrations des districts nouvellement mis en place. Il y en avait neuf dans le département : Ancenis, Blain, Châteaubriant, Clisson, Guérande, Machecoul, Nantes, Paimboeuf et Savenay. Ce sont elles qui assurèrent pendant leur existence (1790 – an IV) les mises en vente aux enchères. Après leur suppression en l’an IV, la vente fut confiée à l’administration centrale du département que remplaça la préfecture après 1800.

Retrouver la vente d’un bien national, singulièrement avant l’an IV, n’est pas toujours chose aisée, en raison notamment de la perte de toute ou partie des archives produites par les administrations de district. Pour pallier cette difficulté, Léon Maître, archiviste en chef du département, rédige une table des ventes des biens nationaux (1 J 860, 2 Mi 45). Elle est classée par ordre alphabétique des communes, et s’appuie sur le dépouillement systématique des procès-verbaux d’adjudication conservés dans les fonds des districts. Elle comprend deux types d’informations.

Dans les trois colonnes du milieu, on trouve l’appellation du bien adjugé et sa localisation, le nom de l’ancien possesseur et celui du nouveau propriétaire. Sur la page de gauche figurent les références aux documents d’estimation du bien (numéro, à l’encre noire, d’une liasse et d’un acte) ; dans la marge de gauche a été inscrite au crayon à bille bleue la cote actuelle de l’article correspondant. Sur la page de droite figurent la date de l’adjudication et son prix ; dans la marge de droite a été inscrite au crayon de bille bleue la cote du registre contenant le procès-verbal correspond, la référence précise au sein de ce registre étant indiquée dans la colonne « folio », où figure un numéro qui renvoie non à un folio mais au numéro du procès-verbal attribué par l’auteur de la table.

Attention

La table « Maître » recense également des ventes, en marge desquelles il n’existe aucun renvoi à des cotes d’archives. Ces indications proviennent certainement du dépouillement des décomptes d’acquéreurs de biens nationaux, classés par communes et elles-mêmes regroupées par district.

Malgré ces deux sources (procès-verbaux d’adjudication et décomptes des acquéreurs), la table ne recense pas l’ensemble des mutations foncières intervenues sur le territoire d’une commune avant l’an IV, car tous les procès-verbaux de cette période ne sont pas conservés, loin s’en faut. Après l’an IV, la table présente une présomption d’exhaustivité dans la mesure où il n’y a pas de lacune apparente dans la série des procès-verbaux d’adjudication. Il faut donc, pour retrouver la vente d’un bien national, compléter les données de la table par d’autres sources.

Les adjudications ont par ailleurs fait l’objet d’un enregistrement systématique auprès du bureau chef-lieu de district. On en trouve donc trace dans la série des actes-civils publics des bureaux de l’enregistrement (sous-série 3 Q). Les premiers registres de la période révolutionnaire sont parfois conservés dans les fonds des bureaux de contrôle des actes (sous-série 2 C), dans la mesure où ils ont été ouverts avant la Révolution. L’enregistrement peut avoir lieu plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’adjudication. Les renseignements qu’ils renferment sont parfois plus complets que les mentions figurant dans les tables ou les documents comptables, notamment sur l’identité de l’acquéreur (profession, statut, etc.).

Comment faire pour retrouver la vente d’un bien national ?

On prend comme postulat de départ que la localisation du bien est connue. Toute recherche débute par la consultation de la table « Maître ».

  • Si le bien y est recensé :
    • Se reporter au registre des procès-verbaux d’adjudication correspondant lorsque sa cote est indiquée.
    • Si aucune référence n’est mentionnée, se reporter, en fonction de leur existence :
      • soit au décompte des acquéreurs,
      • soit au registre des actes civils publics du bureau de l’enregistrement du chef-lieu de district, soit au livre-journal des recettes et dépenses.
  • Si le bien n’y est pas recensé, consulter :
    • Les relevés mensuels,
    • Les tables chronologiques rétrospectives.
  • Une fois la date d’adjudication trouvée, procéder comme dessus, et se reporter :
    • soit au registre des actes civils publics du bureau de l’enregistrement du chef-lieu de district,
    • soit au livre-journal des recettes et dépenses.

Exemple

La table, pour la commune de Gorges (district de Clisson), signale l’acquisition par Louis BOYER le 25 février 1792 de deux gaules de terre située à Gorges dépendant de la chapelle Saint-Thomas pour 165 livres, sans référence à un procès-verbal conservé (1 J 860, fol. 130).

La table chronologique (Q 1278, n° 369) recense bien cette vente, mais le nom du vendeur indiqué est Jean CHIRON, de Gorges.

Quel est le véritable nom de l’acheteur ?

Les registres de l’Enregistrement du bureau de Clisson ne sont pas conservés pour la période considérée.

Le décompte de cette vente est conservé (Q 987) et donne comme acheteur Louis BOYER, avec mention d’un premier paiement le 9 mars 1792.

Si on se reporte au registre-journal des recettes et dépenses (Q 1239), à la date du 9 mars 1792, on apprend qu’une cession de vente a été faite par Jean CHIRON, tailleur à Gorges, au profit de Louis BOYER, secrétaire de l’administration du district de Clisson (contrat de cession sous forme d’acte sous seing privé du 5 mars 1792), et que le bien contient une boisselée, deux gaules dépendant bien du bénéfice de Saint-Thomas.