Comment retrouver un enfant abandonné au 19e siècle ?

L'Hospice de Nantes © ADLA
L'Hospice de Nantes © ADLA
Généalogie

L’abandon d’enfants a toujours été un phénomène social que la religion et les différents monarques ont tenté de faire disparaître. Henri II, par un édit de 1556, prévoit même d’appliquer la peine de mort à toute personne convaincue d’avoir « exposé » un enfant. Cependant, le nombre d’abandons ne cesse de s’accroitre à l’approche de la Révolution, avant de diminuer sensiblement à compter du milieu du 19e siècle.

Quels enfants peuvent bénéficier d’une aide des pouvoirs publics ?

  • Les enfants trouvés : ils sont nés de père et mère inconnus, trouvés exposés dans un lieu quelconque ou portés dans les hospices destinés à les recevoir. De même, les enfants nés dans les hospices, de femmes admises à y faire leurs couches, sont assimilés aux enfants trouvés, si la mère est reconnue dans l’impossibilité de s’en charger.
  • Les enfants abandonnés : ils sont nés de père et mère connus, d’abord élevés par eux, ou par d’autres personnes à leur décharge, en sont délaissés sans qu’on sache ce que les père et mère sont devenus, ou sans qu’on puisse recourir à eux.
  • Les enfants indigents : ils sont classés parmi les orphelins pauvres et de familles indigentes à la charge exclusive des hospices ou secourus à domicile mais bénéficient aussi de placements en familles d’accueil.

Attention

Depuis la loi du 24 juillet 1889 s’y ajoutent les enfants moralement abandonnés, c’est-à-dire confiés à l’assistance publique par décision judiciaire (les parents sont déchus de leur autorité parentale). Le terme de « pupille de l’assistance », utilisé à partir de la fin du XIXe siècle, recouvre toutes les catégories d’enfants mineurs dont la tutelle est exercée par la puissance publique.

Comment se fait l’admission de ces enfants ?

Les parents qui renoncent à assumer leurs enfants les abandonnent sur la voie publique ou les déposent dans le « tour » de l’hôtel-Dieu, où ils sont recueillis par la sœur tourière. Leur admission aux hospices puis à l’assistance publique se fait de différentes façons.

  • Les enfants trouvés font l’objet d’un procès verbal dressé par le commissaire de police. Ce document, intégralement transcrit dans les registres de naissances de la commune, fait fonction d’acte de naissance. L’enfant est alors inscrit dans le registre des « enfants trouvés » de l’hospice où il a été recueilli en attendant son placement dans une famille d’accueil.
  • Les enfants abandonnés sont admis dans les hospices après qu’un juge de paix ou qu’un maire ait constaté, par acte de notoriété, l’absence de leurs père et mère. Ils peuvent aussi être admis si un jugement correctionnel ou criminel les prive de l’assistance de leurs parents.

Quels sont les documents à consulter ?

Ils se trouvent dans la sous-série 3 X des Archives départementales.

  • Admissions : les registres, journaux et états nominatifs (an VIII-1862) concernent les enfants exposés, abandonnés, trouvés, pauvres et indigents et contiennent le motif de l’admission et la mention du placement. Ils sont dotés de répertoires alphabétiques pour la période 1798-1861. À partir de 1862, il existe trois séries de registres d’admission, sans répertoire : enfants trouvés dont la filiation est inconnue, orphelins pauvres, enfants abandonnés dont la filiation est connue.
  • Matricules : à partir de 1836, ces registres contiennent l’identification des enfants trouvés, abandonnés ou orphelins, leurs dates d’admission et de naissance, les mentions relatives à leur placement (noms et adresses des nourrices), leur date de décès s’il y a lieu. Ils sont enrichis d'informations supplémentaires après 1862.
  • Placement en nourrice : les états nominatifs tenus depuis 1824 concernent les enfants de moins de 13 ans ; ils sont complétés par les états des sommes payées aux nourrices, classés chronologiquement.
  • Placement en apprentissage : les registres matricules tenus depuis 1851 concernent les enfants de plus de 13 ans jusqu’à leur majorité. Ils sont dotés de répertoires alphabétiques à partir de 1899.
  • Dossiers individuels : ils existent depuis 1845 et rassemblent tous les éléments utiles à la connaissance de la vie de l’enfant pendant toute la tutelle administrative et peuvent conserver de la correspondance personnelle. Ils sont classés par ordre alphabétique.

Exemple

Le 30 septembre 1816, Georges Fily, portier du tour de l’Hôtel Dieu à Nantes, recueille une petite fille qui vient d’y être déposée. Le lendemain, le commissaire de police du 4e canton de Nantes, délégué par le maire de la ville pour constater l’abandon des enfants exposés, se rend dans cet hôpital pour dresser un procès verbal. Il semble que l’enfant soit nouvelle-née, comme le confirme le billet qu’elle portait sur elle où l’on peut lire : « Angélique Marie, baptisée, née le 30 septembre 1816 ». La fillette n’a alors que des prénoms, on lui donne le nom d’ « Octobre ». Elle est confiée, par l’intermédiaire de sœur Théodulphe, aux bons soins de l’Hôtel Dieu. Le procès verbal est inscrit le 2 octobre à l’état civil de Nantes.

La vie d’Angélique Marie est désormais organisée par l’hospice désigné pour recevoir les enfants trouvés (l’Hôtel Dieu pour la ville de Nantes). La consultation du répertoire alphabétique pour le mois de septembre 1816 des « orphelins, enfants trouvés, enfants abandonnés, admis à la charge de l’hospice des orphelins de Nantes » (3 X 141) fournit son numéro d’enregistrement, indispensable pour poursuivre la recherche. Le numéro (n° 265) renvoie au registre matricule des admissions des enfants abandonnés et trouvés pour la période concernée(3 X 148)où il est indiqué qu’Angélique Marie est « placée en campagne n° 3139 ». La consultation du registre matricule des « enfants provenant de l’hospice des Orphelins placés dans les campagnes » (3 X 135) apporte les précisions sur ce placement : Angélique Marie Octobre réside à Sainte-Luce chez « la femme de Jean Thomas au village de la Giquetière » et ce depuis le 30 septembre 1819, jour anniversaire de ses 3 ans.