Comment retrouver une succession depuis la Révolution ?

Lecture d'un testament - Gravure d'Honoré Daumier [milieu 19e siècle] © D.R.
Lecture d'un testament - Gravure d'Honoré Daumier [milieu 19e siècle] © D.R.
Histoire foncière, Généalogie, Histoire économique

Les institutions et la législation ayant changé à la Révolution, logiquement la façon de procéder pour retrouver une succession n'est plus la même que sous l'Ancien Régime, le type de documents a varié, mais c'est toujours les mêmes sources qui sont utilisées : enregistrement, justice, notaires.

… « voulant donner à mon épouse des preuves de l’amitié que j’ai pour elle, et lui assurer, autant qu’il sera à mon pouvoir,son bien-être, je lui donne et lègue par le présent mon testament, la propriété pendant sa vie de tous mes biens fonds,acquêts, conquêts, meubles et effets mobiliers que j’ai ou pourrais avoir lors de mon
décès » …
( Testament de Julien Coindet, du 10 février 1809)

Les institutions et la législation ayant changé à la Révolution, la recherche d’une succession s’effectue dans d’autres séries d’archives depuis cette période, la façon de procéder pour succession a été modifiée, le type des documents a varié, mais, c’est toujours les mêmes sources qui sont utilisées : enregistrement, justice, notaires.

La législation et la procédure qui en découle.

Le contrôle des actes de l’Ancien Régime a été remplacé par la formalité de l’enregistrement. Le décret des 5-19 décembre 1790 a en effet institué l’administration des domaines et de l’enregistrement, destinée à organiser le contrôle de l’Etat sur la perception des droits sur les actes et les mutations de biens. La principale différence avec le régime précédent consiste dans la création d’un droit sur les successions en ligne directe. Le décès du propriétaire de biens entraîne l’impôt sur les successions, quel que soit le type de succession (légale ou testamentaire). Le receveur de l’enregistrement (il y a un bureau par canton) est informé par les maires des décès constatés par les actes de l’état civil, par l’envoi d’une déclaration fiscale de décès. Ensuite les héritiers procèdent à la déclaration fiscale de succession, au vu de laquelle est fixé l’impôt à acquitter.

Comment retrouver les actes ?

  • Par l’enregistrement

La succession est enregistrée à la date de l’acquittement de l’impôt, mais cette date n’étant pas connue, la recherche doit commencer par les tables, alphabético-chronologiques, dont la typologie a varié et qui ne sont pas toutes conservées pour chaque bureau.


a- / Jusqu’en 1824 inclus, consulter la table des décès et absences constatées : elle indique, en différentes colonnes, les nom, prénoms, professions (dans cette même colonne mention du lieu-dit dans la commune), demeure (commune), date et lieu de décès ou de l’absence constatée, âge du défunt, son état civil (célibataire, marié, nombre d’enfants, avec SD pour succession directe et SC pour succession collatérale), mention des biens, meubles et immeubles dépendant de la succession et leur valeur, noms, prénoms et demeures des héritiers et leur lien de parenté avec le défunt, et en « observations », date de l’enregistrement du testament, s’il y en a, et date de l’enregistrement de la déclaration.

Ainsi, par exemple, dans la table des décès et des absences constatées du bureau d’Aigrefeuille, on trouve Julien Coindet, résident à la Morinière, commune de Vieillevigne, où il décède le 8 mai 1809, à l’âge de 48 ans, SC, meubles et immeubles à Vieillevigne, héritière Anne Guichet, sa veuve, le testament est enregistré le 4 juin1809 et la déclaration de succession le 4 septembre suivant.

Cette dernière date donne accès au registre des déclarations des mutations par décès, enregistrées dans l’ordre chronologique : la déclaration susdite y figure bien à cette date, avec l’estimation des biens meubles, le détail des biens immeubles et leur valeur, mais on comprend pourquoi la succession est qualifiée de collatérale (SC) et non directe (SD) par l’administration de l’enregistrement : la veuve n’est qu’usufruitière des biens qui lui sont attribués. Vient à la suite la déclaration de l’autre héritière, effectivement en ligne collatérale, la sœur du défunt, Marie Coindet, avec également l’estimation des biens meubles et le détail des biens immeubles dont elle hérite, ainsi que leur valeur. Entre autres choses, chacune a la moitié d’une maison. On y apprend également la date du testament et le nom du notaire qui l’a reçu : Thomas à Viellevigne le 10 février 1809 (voir point 3).

La table alphabétique des testaments et codicilles enregistrés confirme les informations précédentes ; de même,la table alphabétique des successions acquittées, est utile lorsque table des décès et absences constatées n’est plus conservée.

La table alphabétique des testaments non enregistrés contient ceux passés devant le notaire mais non enregistrés, leur auteur étant encore en vie puisque le notaire devait faire enregistrer le testament dans les quinze jours suivant le décès du testateur. On y trouve les nom, prénoms,profession, demeure du décédé, les nom, prénoms,parenté des héritiers et légataires, la nature et l’objet des institutions et legs, le nom du notaire qui a passé l’acte et sa date, et la date de l’enregistrement si elle est intervenue avant la clôture du registre (1824). A « Coindet » est noté celui de Marie, la sœur, passé le 10 juillet 1809 devant Maître Thomas , enregistré le 3 septembre1820. Celui de la veuve, Anne Guichet, s’y trouve également.

La table alphabétique des inventaires après décès permet de connaître le nom du notaire qui les a faits, leur date, celle de l’enregistrement et celle de la création de succession.

b- / à partir de 1825, consulter la table des successions et absences. Elle renseigne sur l’état civil au complet du décédé (y compris sa situation matrimoniale), indique s’il y a eu des actes antérieurs à la décision de succession : renonciation, inventaire…, et surtout donne la date et les numéros de déclarations des successions, dons ou legs. S’il n’y a pas de bien, il y est même mentionné : P(as) (d’) A(ctif) A(pparent) : sinon la succession est inscrite dans les registres des déclarations de mutations par décès. Y sont portés les noms et qualités du déclarant (héritier, notaire, etc.), l’état civil, la profession et le domicile du défunt, des informations sur les héritiers recueillant la succession, l’état du passif et de l’actif laissés par le défunt.

Voir aussi : les tables alphabétiques des testaments, donations et dispositions éventuelles (les tables des inventaires après décès et celle des successions acquittées ont été supprimées).

c- / à partir de 1866, il n’y a plus qu’une seule table, celle des successions et absences, qui conduit toujours aux registres des déclarations de mutations par décès. Les autres tables de la période précédente sont remplacées par deux fichiers alphabétiques, celui des décédés et celui des vivants. Ils donnent accès au répertoire général des enregistrements et déclarations pour servir à la recherche des droits celés, qui indique l’ensemble des actes au nom d’une même personne, mentionne la date de son décès, et renvoie, pour le fichier dit des décédés à la date de la déclaration de la succession.

Tous ces documents sont classés dans l’ordre alphabétique des bureaux de l’enregistrement.

  • Par les archives judiciaires

Comme sous l’Ancien Régime, lorsqu’il y a des enfants mineurs ou bien contestation entre les héritiers, il y a mise sous scellés, procès-verbaux, inventaires, partage par la juridiction compétente : les tribunaux de district, ensuite le tribunal civil, puis les justices de paix, pendant la période révolutionnaire. Supprimées en 1958 (il y en avait une par canton, comme pour les bureaux d’enregistrement), les justices de paix, après la Révolution, n’avaient compétence que pour les mises et levées de scellés.

  • Par les notaires

Comme il a été dit plus haut, lorsqu’un notaire a rédigé la succession, son nom est noté dans la déclaration de mutation par décès. La date de l’acte et le nom du notaire signalés dans le registre correspondant permettent de trouver l’acte dans sa totalité. C’est devant lui également que sont passés les testaments : celui de Julien Coindet a pu être retrouvé, ainsi que celui de son épouse, passé le même jour, dans les minutes de Maître Thomas, notaire à Viellevigne. Comme sous l’Ancien Régime, le notaire procède également aux inventaires après décès (voir table signalée au point 1 a-) et aux partages (pour la recherche des actes notariés, cf ; Liens d’archives n°3).


En conclusion, ces documents présentent le même intérêt que la période précédente, pour l’histoire d’une personne, de sa famille, pour l’histoire économique et sociale. Ils sont de plus utilisés pour la recherche des héritiers.