Histoire d'un marin

Marins en 1915
Marins en 1915
Généalogie, Marine

Le 2 janvier 1915, Édouard Marie Le Mauf décède au Croisic, après une carrière de marin débutée 64 ans plus tôt. En 54 ans de service, il a embarqué près de 70 fois, passé 12 ans sur des bâtiments de commerce et 15 ans sur des navires de pêche. S’il a fini patron de pêche, il a commencé mousse (de 1851 à 1853), est devenu novice en 1853, puis matelot quatre ans plus tard.

Ce raccourci de vie n’aurait pu ressurgir du passé sans les archives de l’administration de l’Inscription maritime. Formant une belle série de registres remontant de manière quasi continue au milieu du XVIIIe siècle, elles sont à la fois une source pour retrouver la trace de marins et établir leur parcours, et une base essentielle pour l’histoire sociale et économique.

L’Inscription maritime

Elle est directement issue du système des classes établi par Colbert en 1668 dans le but de doter une marine de guerre permanente, les vaisseaux du roi, d’hommes d’équipage en nombre suffisant et instruits des choses de la mer. Les gouverneurs des provinces maritimes ont été chargés de procéder au dénombrement des gens de mer, et de les diviser en trois groupes ou « classes » qui serviraient alternativement une année sur les vaisseaux du roi, et les deux autres sur les bâtiments des négociants. En contrepartie les matelots « classés » bénéficieraient de quelques avantages pécuniaires et de quelques privilèges, notamment des secours accordés, grâce à la caisse des Invalides créée en 1673, aux marins âgés ou infirmes, ainsi qu’aux veuves et orphelins des gens de mer morts au service du roi. L’ordre des classes est progressivement remplacé par la règle du tour de rôle, officialisée en 1784. La Révolution maintint le système, en substituant au système des classes, en 1795, celui de l’inscription maritime : continueraient d’être « inscrits » et donc susceptibles d’être « levés, tous les gens de mer âgés de dix-huit à cinquante ans.

Organisation administrative

L’enrôlement systématique des gens de mer exigea la mise en place d’une organisation structurée supportée par un cadre territorial précisément défini. Le littoral de la France fut donc divisé en quartiers, eux-mêmes subdivisés à la fin du XVIIIe siècle, en syndicats regroupant un nombre variable de paroisses ou communes.

Il en a existé quatre qui recouvraient l’actuel département de Loire-Atlantique : Bourgneuf (aussi appelé Bourgneuf/Pornic), Le Croisic, Nantes, Paimbœuf et Saint-Nazaire (depuis 1857).

Composition des quartiers (19e – milieu du 20e siècle)

Quartier

Période couverte

Bourgneuf /Pornic
(supprimé en 1892, suppression effective en 1926,
rattaché ensuite à Paimbœuf)

Bourgneuf,
Pornic

Le Croisic

Le Croisic
Méan ou Port-Méan (jusqu’en 1857)
Mesquer
Le Pouliguen (à partir de 1826)
Pénestin (à partir de 1862)
Redon (jusqu’en 1882)
La Turballe (à partir de 1865)
Saint-Nazaire (jusqu’en 1857)
Montoir-de-Bretagne (jusqu’en 1857)

Nantes

Couëron (supprimé en 1839)
Indre ou Basse-Indre
Nantes
Le Pèlerin (absorbé par Rezé en 1839)
Rezé (supprimé en 1919)
Vertou (supprimé en 1885)

Paimboeuf

Paimboeuf

Saint-Nazaire (crée en 1857)

Montoir-de-Bretagne
Saint-Nazaire

Matricules des gens de mer

L’enrôlement systématique des gens de mer conduisit à la tenue par le commissaire des classes puis de l’inscription maritime, dans chaque quartier, de registres appelés matricules, ouvertes pour le recensement des diverses catégories de marins.

Outre les matricules des syndicats du ressort de la Loire-Atlantique, d’autres matricules (tenues jusqu’en 1826) sont également conservées aux Archives, pour les quartiers dits de l’Intérieur, qui longeaient le cours de la Loire : il s’agit des quartiers d’Angers, de L’Île-Bouchard, d’Ingrandes, de Nevers, d’Orléans, de Saumur, de Selles-sur-Cher et de Tours.
La matricule ou registre matriculaire représente donc le document de base. Il existe une matricule pour chaque catégorie de personnel, dotée d’une table alphabétique, rarement toutefois pour le 18e siècle :

  • capitaine au long cours,
  • maîtres au cabotage,
  • pilotes,
  • officiers mariniers (encadrement subalterne ou maistrance), et matelots de service (à partir de 18 ans),
  • novices (de 16 à 18 ans),
  • mousses (de 14 à 16 ans),
  • ouvriers,
  • hors de service (marins âgés de plus de 50 ans, ou invalides).

A partir de 1865, les officiers mariniers et matelots de service deviennent les inscrits définitifs, et les novices et mousses sont regroupés sous une unique matricule, comme inscrits provisoires.

La matricule était renouvelée périodiquement, et de façon uniforme dans tous les quartiers (1724 ou 1727, 1736 ou 1739, 1748 ou 1751, 1764, 1775, 1785, an XI, 1816, 1850, 1865, 1883).

Les indications portées sur la matricule du marin sont les suivantes :

  • numéro de matricule ;
  • référence à sa précédente immatriculation (d’où le marin est « tiré », avec mention de la référence aux numéro et folio de la matrice en question) ;
  • date de nomination dans le grade ;
  • état civil : nom, prénom, date et lieu de naissance, noms de ses parents ;
  • domicile ;
  • caractéristiques physiques (taille, couleur des cheveux, avec la description progressive des visage, front, sourcils, yeux, nez, bouche, menton …) ;
  • blessures et infirmités (dans les premières années du XIXe siècle seulement) ;
  • années de service : à l’État, au commerce, à la pêche, à la navigation intérieure ;
  • campagnes effectuées : nom du navire sur lequel le marin a embarqué (y compris le navire de l’État quand il a été « levé »), port d’embarquement, fonction à bord, destination, port de débarquement, avec progressivement mention des numéros d’embarquement et de débarquement renvoyant à la série de rôles d’armement et de désarmement ;
  • Sort du marin : inscription dans la matrice suivante de même grade, inscription dans une matrice de grade supérieur, inscription dans un autre quartier etc., avec la référence aux numéro et au folio de la matrice correspondantes, date de sa disparition en mer, date et lieu de son décès.

Méthodologie de recherche

Il faut connaître le domicile du marin, et sa période probable d’activité

  • Le grade n’est pas connu : Dépouiller systématiquement les tables alphabétiques des matricules des différents grades du syndicat relevant de son lieu de domicile.
  • Le grade est connu et la période d’activités : Consulter la table alphabétique de la matricule du grade correspondant du syndicat relevant de son lieu de domicile.
  • Le grade est connu, mais non la période d’activités : Consulter les tables alphabétiques de toutes les matricules du grade correspondant du syndicat relevant de son lieu de domicile.
    Les tables alphabétiques renvoient au folio et au numéro dans la matricule. Y sont consignées les mentions aux matricules précédente et suivante (d’où le marin est tiré, et où il a été porté). De proche en proche, il est ainsi possible de reconstituer d’étapes en étapes, la carrière du marin.

Les registres de matricules des gens de mer recensés par les quartiers de Bourgneuf-en-Retz, Le Croisic, Nantes, Paimboeuf et Saint-Nazaire de 1700 à 1929 ayant été indexés, il est également possible de saisir le nom et le prénom d'un marin dans le formulaire de recherche nominative dans le fonds de l'inscription maritime.