Histoire d'un navire
Sur les traces des gabarres, bricks, chasse-marée, lougres, bâtiments à voile et à vapeur d'autrefois. Ou comment reconstituer l'histoire d'un navire du XIXe siècle.
Le point d'entrée pour reconstituer l'histoire d'un navire est son numéro de matricule, que lui affecte le quartier de l'Inscription maritime dont il relève. Il existe cinq quartiers au 19e siècle et au premier tiers du 20e : Bourgneuf (Pornic), Le Croisic (qui s'étendait jusqu'à Redon et Pénestin), Paimbœuf, Nantes et Saint-Nazaire.
Archives de l'inscription maritime
Les registres matricules couvrent chacun une dizaine d'années, et livrent pour ainsi dire la carte d'identité du navire :
- numéro de matricule attribué au bâtiment dans la matrice,
- son nom,
- sa nature,
- le lieu et la date de construction,
- données techniques (capacité de transport estimée en tonneaux de jauge, hauteur de cale estimée en mètres de tirant d'eau),
- le nom de son propriétaire,
- la date, le lieu et le numéro de sa francisation (rattachement à un pavillon).
Généralement dotés d'une table alphabétique, les registres s'enchaînent les uns aux autres. Lorsqu'un bâtiment est repris de la matrice précédente, ou est reporté à la suivante, la référence aux folios et numéro correspondants est indiquée. De la même manière, la référence à des registres d'autres ressorts est donnée si le bâtiment a déjà été immatriculé ou passe dans un quartier différent.
Les registres consignent également les mouvements (ou voyages) des bâtiments pendant la période qu'ils couvrent. Muni de ces indications, il est alors possible de se reporter aux séries des rôles d'armement et de désarmement correspondants pour retrouver la composition de l'équipage du navire et les principales caractéristiques de sa sortie en mer.
Les registres précisent enfin le sort du bâtiment s'il n'a pas fait l'objet d'un report dans une autre matrice, avec, le cas échéant, des précisions quant aux dates de temps et de lieu de ce qui lui est arrivé
- naufrage,
- démolition,
- disparition en mer,
- prise par l'ennemi (en temps de guerre),
- renvoi de son immatriculation à un autre quartier.
Les changements de nom, qui sont relativement courants, sont précisés.
Nota : il existe également des registres matricules pour les bateaux de plaisance et les chaloupes.
État des registres matricules des bâtiments de commerce conservés
Quartier | Période couverte |
Bourgneuf / Pornic | 1825-1893 |
Le Croisic | An XII - 1937 (lacune de 1876 à 1903) |
Paimbœuf | An VIII - 1814 |
Nantes | An XII - 1914 |
Saint-Nazaire | 1856-1950 |
Archives numérisées
Consulter les registres d'immatriculation des navires
Consulter les rôles de bord (recherche chronologique ou recherche nominative)
Archives de l'administration des douanes
L'administration des douanes représente une autre piste pour reconstituer l'histoire d'un navire. En effet, dès sa construction, un navire faisait l'objet de procédures d'habilitation, notamment pour sa jauge (capacité de transport estimée en tonneaux), et pour son rattachement à un pavillon.
Les registres de francisation ont malheureusement été peu conservés. Des dossiers de navires étaient par ailleurs tenus. Ils sont conservés pour une large période chronologique : 1837 à 1938 pour le bureau des douanes de Nantes, 1827 à 1899 pour celui de Saint-Nazaire. Ils représentent au total 280 liasses d'archives. Pour les 1 400 navires suivis par le bureau de Nantes, un fichier informatisé a été établi, qui donne la cote de la liasse, le nom du navire, son type, les dates d'ouverture et de clôture du dossier.
La plupart du temps un dossier comprend les actes de vente ou de déclaration de propriété du navire, son acte de francisation (acte administratif constatant sa nationalité et son état matériel), le certificat de jauge initial et les modifications apportées aux caractéristiques techniques du bâtiment, les congés (c'est-à-dire les passeports du navire établis à chaque sortie de port, émargés des différentes escales effectuées au cours du voyage), éventuellement de la correspondance, et, le cas échéant, des documents relatifs à d'éventuels échouages ou naufrage.
Inventaire
Archives judiciaires
Les capitaines étaient tenus d'effectuer un rapport au retour de chaque voyage. On en trouve, réunis en séries chronologiques, dans les fonds de tribunaux. Il n'existe pas de tables des navires dont le voyage a fait l'objet d'un compte rendu par leur capitaine. En leur absence, le rapport de mer d'un capitaine est donc accessible, hormis un dépouillement systématique, par la date de désarmement du navire à son retour de voyage : elle est précisée dans le rôle correspondant. Les rapports sont une source complémentaire à l'histoire des navires, puisqu'ils contiennent des informations variées sur les cargaisons chargées et débarquées, les escales effectuées, les difficultés rencontrées (tempêtes affrontées, avaries subies etc.), qui peuvent être complétées par des procès-verbaux d'avarie et de visites de navires.
État des rapports de mer conservés aux Archives de Loire-Atlantique
Tribunal | Nature et dates extrêmes des documents |
Tribunal de commerce | Rapports de mer au long cours et au cabotage (1808-1845, et 1856-1873), au petit cabotage (1818-1869 avec quelques lacunes), et toutes natures confondus (1873-1940). |
Tribunal d'instance | Rapports de mer (an IX-1868, avec quelques lacunes), procès-verbaux de visite de navire (1868-1872, 1892-1902) |
Tribunal d'instance | Rapports de mer (an IX-1868, avec quelques lacunes), procès-verbaux de visite de navire (1868-1872, 1892-1902) Rapports de mer (1896-1897), procès-verbaux d'avaries et de visite de navire (1889, 1890, 1897). |
Archives numérisées
Répertoires de bureaux de contrôle ou de compagnie d'assurance
Le Bureau Veritas a publié annuellement depuis 1870 un Répertoire général de la marine marchande. Il ne concernait jusqu'à la première guerre mondiale que les navires à voiles et les navires à vapeur. Y furent ajoutés au moins à partir de 1925 les navires à moteurs à explosion. Ce répertoire donne la nomenclature, par ordre alphabétique, des navires retenus par Véritas (lettres de signaux, noms du navire et du capitaine, pavillon et gréement du navire, tonnage de douane, tirant d'eau approximatif, date et lieu de construction, renseignements sur la construction, nom et résidence de l'armateur, port d'armement).
Les Archives ne conservent que quelques volumes pour les navires à voiles (1891-1892, 1903-1904, 1911-1912), et les navires à voiles, à moteurs et à vapeur (1925-1926, 1933-1934, et 1935-1936). Ce répertoire général est à compléter avec le registre annuel des navires à voiles et vapeur et publié par le même bureau depuis 1828, dont sont conservés les années 1892, 1900, 1904, 1930 et 1932.
La Lloyd éditait de son côté depuis 1834 une publication analogue à celle de Véritas, intitulé Register of British and Foreign Shipping. Elle contient le même type d'information. Sont conservées les années 1879, 1889, 1898-1899, 1909-1910, 1913-1914, 1921-1922, 1925-1929, 1933-1934, 1944-1945, 1947-1949, 1952-1955, 1963-1964.
Méthodologie de recherche
Si l'année d'immatriculation du navire et son quartier de rattachement sont connus
se reporter au registre matricule des bâtiments de commerce correspondant.
Si le quartier est seul connu
consulter systématiquement les tables alphabétiques des différents registres de matricules des bâtiments de commerce correspondants.
Si le quartier n'est pas connu
consulter les publications du bureau Veritas (Répertoire général de la marine marchande) et de la Lloyd (Register of British and Foreign Shipping) qui donnent le quartier de rattachement, mais elles sont lacunaires aux Archives, et ne recensent pas tous les bâtiments.
consulter, pour le bureau des douanes de Nantes, le dépouillement informatique : la consultation du dossier donnera l'indication du quartier d'immatriculation.
Si l'année est seule connue
consulter systématiquement les registres matricules des bâtiments de commerce des différents quartiers.
À noter que les rôles d'armement ou de désarmement indiquent le numéro d'immatriculation du bâtiment et son folio dans la matrice correspondante, mais rarement l'année d'immatriculation. Il faut alors se reporter au registre matricule correspondant à la fourchette chronologique du voyage, ou au registre immédiatement précédent.