Le papier terrier de la réformation des domaines en Bretagne (1678-1686)

Plan de l'intendance - Plan de la Potevinière et alentours © ADLA
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Histoire foncière

Faire une recherche d'histoire foncière sous l'Ancien Régime nécessite souvent de connaître la géographie féodale de son territoire. Or il n'est rien de plus complexe et le chercheur peut avoir mille difficultés à se retrouver. Il existe cependant des outils mis à sa disposition par les archivistes et qui ne sont pas toujours connus : la table de la réformation des domaines est l'un d'eux.

La géographie féodale d’Ancien Régime

La géographie féodale antérieure à la Révolution de 1789 est particulièrement complexe, et aucune cartographie détaillée ne permet de retrouver aisément la hiérarchie des fiefs. Or cette hiérarchie est indispensable pour retrouver les documents qui renseignent sur un domaine, un château ou manoir, un lieu-dit. En effet, c'est dans le cadre des relations féodales que sont établis les actes décrivant les biens fonciers, les droits et devoirs qui y sont attachés, et qui contiennent des renseignements sur leurs propriétaires et le mode d'acquisition des biens en question : les aveux et dénombrement notamment, déclarations des biens réalisées à chaque changement de propriétaire pour le paiement du droit de rachat. L'aveu est rendu au seigneur supérieur selon une hiérarchie féodale au sommet de laquelle se trouve le roi, en conséquence de quoi les documents sont conservés dans des fonds d'archives différents : fonds des sénéchaussées dans la série B, titres féodaux dans la série E, chartriers privés dans la série J.

Pour l'ancien comté nantais, on dispose certes d'ouvrages utiles pour s'y retrouver, comme celui du chanoine Guillotin de Corson (Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, comprises dans l'actuel département de Loire-Inférieure, Rennes, 1899) ; mais tout n'y figure pas et le chercheur peut être désorienté. Pour l'aider, il existe cependant un outil établi à partir d'une série de documents produits à la fin du règne de Louis XIV.

Le papier terrier, une enquête royale à portée générale

La Bretagne n'a jamais disposé des officiers nécessaires à l'établissement d'un terrier de ses domaines comparable au cadastre moderne malgré quelques tentatives effectuées de 1380 à 1452. La première réformation digne de ce nom est celle ordonnée par François Ier en 1536, à la suite de laquelle ont été rendu en 1540 des aveux dont un certain nombre sont conservés dans le fonds de la chambre des comptes de Bretagne (série B).

Les sénéchaussées de Bretagne :

Auray ; Brest et Saint-Renan ; Carhaix ; Châteaulin ; Châteauneuf, Huelgoat et Landeleau ; Conq, Fouesnant et Rosporden ; Dinan ; Fougères ; Gourin ; Guérande ; Hédé ; Hennebont ; Jugon ; Lannion ; Lesneven ; Morlaix ; Nantes ; Ploërmel Quimper ; Quimperlé ; Rennes ; Rhuis ; Saint-Aubin-du-Cormier ; Saint-Brieuc ou Goëllo ; Vannes.

Mais c'est à Colbert que l'on doit la conception et la réalisation d'une enquête complète et radicale sur l'état du domaine royal. Décrétée en 1660, il a fallu 18 ans pour arriver à faire établir les déclarations dans les 25 juridictions que comprenait la province de Bretagne, rassemblées dans 276 volumes que complètent les 191 volumes des sentences de correction et d'enregistrement rendues par les commissaires réformateurs, soit un ensemble de 467 volumes in-folio. Établie en deux exemplaires, la collection des volumes de cette réformation est conservée à la fois à Paris aux Archives nationales et à Nantes aux Archives départementales.

Le territoire de l'actuel département de Loire-Atlantique comprend presque essentiellement les sénéchaussées de Guérande et de Nantes, Châteaubriant et quelques paroisses environnantes relevant de la sénéchaussée de Rennes.

Sénéchaussée de Guérande

Sénéchaussée de Nantes

Registres du papier terrier : B 1502-1516

Registres du papier terrier : B 1900-1922

Registres des sentences : B 1517-1527

Registres des sentences : B 1926-1941


La table Ramet, un instrument de travail indispensable

Les registres de la réformation rassemblent donc les aveux et dénombrements des biens relevant directement du souverain, le roi de France, qu'il s'agisse de marquisats, comtés, vicomtés, baronnies ou châtellenies, ou bien de simples maisons ou tenures. Ce dernier cas se présente pour tout ce qui est compris directement dans le domaine royal, par exemple pour le comté nantais les villes de Guérande et du Croisic ou les quartiers de Nantes intra muros ; toutes les maisons situées dans ces zones urbaines sont ainsi énumérées individuellement. Pour un grand fief, l'aveu décrit le domaine proprement dit, les rentes et droits qui y sont liés, et ne fait que citer sommairement les fiefs qui en dépendent, c'est-à-dire les arrières-fiefs.

Les registres sont constitués d'actes individuels reliés réunis en volumes selon un critère géographique, la paroisse principalement. Mais dans l'inventaire sommaire de la série B rédigé par Léon Maître en 1902 et Émile Gabory en 1929, il n'existe pas d'index général. Or, au XIXe siècle, l'archiviste Ramet a fait réaliser une table de cette importante série du papier terrier de la réformation des domaines : dans 5 registres, un par département de l'ancienne province de Bretagne, sont énumérés tous les fiefs compris sur le territoire des communes classées par ordre alphabétique. Il est donc possible, pour chacune de ces anciennes paroisses, de savoir de quels fiefs elle est constituée, soit que le siège s'y trouve (château, manoir, lieu et juridiction...), soit que certaines terres ou villages relève d'un fief situé dans une autre paroisse, à titre d'arrière fief. Les terres qui dépendent directement du domaine royal y figurent individuellement, et pour la ville de Nantes sont portés les noms de chacune des maisons, rue par rue, avec le nom des propriétaires de la fin du 17e siècle. Le numéro du volume du papier terrier et celui de l'acte sont portés en regard, ce qui permet d'en retrouver la cote dans l'inventaire de la série B. Celle-ci a été portée en marge, pour le département de Loire-Atlantique seulement.

Un exemple sur la paroisse de Port-Saint-Père

La seigneurie de Briord relève directement du roi, l'aveu qui la concerne est indiqué comme conservé dans le 8e volume du papier terrier, folio 399 (B 1907) ; elle comprend en outre dans la même paroisse les arrières fiefs du Plessis Grimaud et de Carné portés dans le même aveu.

Par contre, le « lieu et maison du Pré Nouveau », qui appartient au même propriétaire, relève quant à lui directement du roi. Briord s'étend en outre dans d'autres paroisses voisines, comme Sainte-Pazanne où l'on trouve mention du « fief lige de la seigneurie de Briord » avec énumération des lieux qui en dépendent et la même référence au 8e volume même folio.

Outre la consultation du registre en question et pour tout l'Ancien Régime, le chercheur trouvera des aveux de Briord dans la même série, fonds de la sénéchaussée de Nantes (B 1853) ; mais pour en savoir plus sur les arrières fiefs du Plessis Grimaud et de Carné, il aura à consulter le chartrier de Briord, conservé dans la série E des titres féodaux (E 351-375).

Cotes des documents

Cote de l'original

Cote du microfilm

1 J 861 Loire-Atlantique

2 Mi 44 R1

1 J 862 Morbihan

2 Mi 44 R2

1 J 863 Ille-et-Vilaine

2 Mi 44 R3

1 J 864 Finistère

2 Mi 44 R4

1 J 865 Côtes d'Armor

2 Mi 44 R5