Les condamnés à mort sous la Révolution

Jugement par une commission militaire © D.R.
Jugement par une commission militaire © D.R.
Généalogie, Guerre, Autre

La Révolution française a été marquée, dans l’ouest, par les insurrections contre-révolutionnaires, notamment les guerres de Vendée, qui ont ensanglanté le département de la Loire-Inférieure. À côté des combattants morts au cours de batailles rangées ou d’actions de guérilla, de nombreuses victimes sont tombées soit lors des ravages des « colonnes infernales », soit sous le couperet de la guillotine.

Ces derniers ont, en principe, fait l’objet d’un jugement qu’il est parfois difficile de retrouver dans l’écheveau complexe de la justice révolutionnaire.

La nouvelle organisation judiciaire mise en place par la Révolution prévoit qu’au niveau départemental, les crimes et délits les plus graves soient jugés par un tribunal criminel. Mais les évènements de mars 1793 et le mouvement insurrectionnel qui s’ensuit incitent à créer en son sein une section appelée tribunal révolutionnaire propre à juger les rebelles. Il est doublé, du 13 mars au 18 avril, d’un tribunal criminel extraordinaire devant lequel passent en jugement quelques instigateurs et acteurs de l’insurrection. Les compétences de cette juridiction éphémère reviennent rapidement au tribunal criminel qui se dédouble, dès le début du mois de mai, avec la création d’un tribunal révolutionnaire, lequel fonctionne pendant un an. Il se décentralise aussi temporairement à Guérande, de la fin septembre au début novembre 1793. L’historique de ces institutions et leur fonctionnement résulte de l’analyse des documents qu’elles ont produits et qui sont conservés aux Archives départementales. Il simplifie l’organisation décrite par l’historien Alfred Lallié, sur laquelle les archivistes se sont appuyés pour dresser l’inventaire de la série L.


A côté de ces tribunaux ordinaires ont fonctionné plusieurs juridictions extraordinaires, dites la plupart du temps à tort commissions militaires. Leur création a été dictée par les évènements et la nécessité d’appliquer à la population révoltée les rigueurs de la loi révolutionnaire. Ainsi ont vu le jour les commissions militaires contre les insurgés pris les armes à la main, de mars à mai 1793, lesquelles n’ont ensuite jugé que les chefs et instigateurs des révoltés. La commission Lenoir, installée à Nantes, a prononcé 109 condamnations contre des insurgés d’octobre 1793 à mai 1794 ; la commission Bignon, instituée au Mans en décembre 1794 au moment de la « virée de galerne », a suivi la route de l’armée vendéenne jusqu’à Blain, Savenay et enfin Nantes, condamnant à mort sommairement 3 564 individus de tous sexes et âges. Une commission a également siégé à Noirmoutier pendant l’année 1794, tandis que plusieurs commissions militaires ont mérité leur nom en jugeant, au château de Nantes, à Ancenis ou ailleurs des militaires et « civils à la suite de l’armée ».

Pour retrouver un condamné et les références de son jugement, deux ouvrages peuvent d’abord être consultés :

  • Le premier est celui en 2 volumes de L. Prudhomme, Dictionnaire des individus envoyés à la mort judiciairement… pendant la Révolution (Paris, an V), en usuel en salle de lecture. Y sont essentiellement recensés les personnes jugées par la commission Bignon.
  • Le second ouvrage est celui d’A.Lallié, La justice révolutionnaire à Nantes et dans la Loire-Inférieure (Nantes, 1896). Y sont inscrits, par juridiction et par ordre chronologique, tous les accusés, qu’ils aient été condamnés, maintenus en détention ou acquittés, malheureusement sans table alphabétique.

C’est dans les fonds d’archives eux-mêmes que l’on trouvera tous les instruments nécessaires à la recherche des condamnés. Il faut noter que la plupart des registres ont fait l’objet d’un microfilmage et sont donc maintenant consultables sous cette forme.

  • En premier lieu, on consultera les registres des jugements des juridictions ordinaires, la plupart dotés de tables alphabétiques établie a posteriori. Sous la cote L 1503 (2 Mi 287) se trouve une table générale pour les tribunaux criminels du département. Ainsi, les jugements du tribunal criminel ordinaire, de mars 1792 à septembre 1796, se trouvent dans les registres L 1467 à 1469 (2 Mi 308-309). La session extraordinaire de Guérande, en octobre 1793, est cotée L 1479 (2 Mi 325). L’éphémère tribunal criminel extraordinaire n’a donné lieu qu’à la production du petit registre L 1473 (2 Mi 322). Quant au tribunal révolutionnaire, loin d’avoir commencé à sévir en octobre 1793, il a produit des jugements dès le mois d’avril, intégrés dans le premier registre du tribunal criminel ; son activité, de mai 1793 à mai 1794, s’est traduite spar la tenue de trois registres de jugements : le premier de mai à août 1793 (L 1488, 2 Mi 280), le troisième de janvier à mai 1794 (L 1502, 2 Mi 287). Le deuxième, d’août 1793 à janvier 1794, longtemps constaté disparu, a été retrouvé en 1989, et racheté par la Société des historiens du pays de Retz et déposé aux Archives départementales (1 J 746).
  • À côté de cette série des jugements, dont la majorité est circonstanciée, sont également conservés des dossiers de procédure dans lesquels il est plus difficile de s’y retrouver, d’autant que leur rattachement avec telle ou telle juridiction peut ne pas être pertinent.
  • Quant aux commissions militaires, la recherche est facilitée par l’existence d’une table commune, cotée L 1548 (2 Mi 195), qui renvoie précisément aux folios des registres des jugements correspondant. Pour prendre l’exemple de la commission Bignon, l’ouvrage de Prudhomme cite (t. 1, p. 456) : « Guérin (Mathur.), dom. à S. Passanne… cond. à mort le 17 niv. an II par la com. milit. séante à Nantes comme brig. de la Vendée ». A. Lallié le cite (p. 326) dans le jugement de la commission Bignon : « Guérin Mathurin, 55 ans, de Sainte-Pazanne (Le Pellerin), a monté la garde. » On le retrouve dans la table (L 1548, 2 Mi 195) : « Guérin Mathurin, âgé de 55 ans, natif de Ste Pazanne, folio 110 », et dans le registre des jugements de ladite commission (L 1526, 2 Mi 192) : « Mathurin Guérin, âgé de 55 ans, natif de Ste Pazanne, a déclaré la même chose », c'est-à-dire « avoir monté la garde pour les brigands ». Bien entendu, pour les autres commissions militaires, malgré l’absence de table alphabétique de l’ouvrage de Lallié, on retrouvera aisément, grâce à la même méthode, la trace de la personne recherchée (commissions de mars : L 1506, 2 Mi 237 ; commission Lenoir : L 1509, 2 Mi 266 ; commission de Noirmoutier : L 1527, 2 Mi 576). Il faut toutefois savoir que, compte tenu de la légèreté de la procédure menée par ces commissions et du nombre de condamnés dans un même jugement (quelquefois plus de 200), les détails sur les chefs d’inculpation sont rapportés a minima, quand les informations sur leur état civil ne sont pas approximatives. Mais c’est souvent la seule trace de la disparition de nombreux ressortissants de la Vendée militaire : aucun acte de décès n’a été reporté dans les registres de l’état civil, et les inhumations ont été effectuées anonymement dans des charniers ouverts à cet effet.