Mener une recherche sur les étrangers ayant séjourné en Loire-Atlantique aux 19e et 20e siècles

Renouvellement de cartes d’identité © ADLA
Renouvellement de cartes d’identité © ADLA
Généalogie, Histoire économique, Autre

D'une manière générale, pour trouver un étranger résidant ou ayant séjourné dans un département comme la Loire-Atlantique, il est nécessaire de passer par les documents que l'administration lui aura demandés de remplir à l'occasion de recensements, d'enquêtes statistiques ou pour obtenir un titre de séjour.

Par ailleurs, et suivant les périodes, notamment les périodes de guerre, le regard de l'administration s'est fait plus insistant sur les étrangers, il existe alors des dossiers de surveillance les concernant.

Jusqu’en 1940

Les dossiers concernant la population, les affaires économiques et les statistiques renferment des renseignements sur la présence d’étrangers dans le département. Le préfet contrôlant la tenue des registres de l’état civil, il informe régulièrement les ministères de l’Intérieur, de l’Agriculture et du Commerce du mouvement annuel de la population. Les dénombrements quinquennaux de la population recensent de leur côté les étrangers résidant dans les communes du département.

Ils servent à la constitution de statiques générales par nationalité. La préfecture sert également d’intermédiaire entre l’administré et le Conseil d’état dans le cadre des demandes de naturalisation : c‘est elle qui reçoit le dépôt du dossier. Les dossiers de demande d’admission à domicile et de naturalisation sont classés par ordre alphabétique pour la période allant de 1809 à 1902, et sont accompagnés d’instructions et d’états récapitulatifs.

On trouvera l’ensemble de ces documents dans la sous-série 6 M. Par ailleurs, les services de la sûreté générale ou de la police ont établi des états nominatifs et des séries de fiches pour les périodes 1918-1940 et 1929-1939. Ils sont classés dans la sous-série 6 M. Dans cette même sous-série, la section provenant de la police judiciaire comporte quant à elle un fichier signalétique avec photos pour la période 1920-1950, organisé par nationalité. C’est ainsi que les fiches consacrées aux espagnols permettent, par exemple, des recherches sur les nombreux réfugiés espagnols accueillis en Loire-Atlantique.

L’état de guerre est à l’origine de modifications dans les attributions du préfet. Sur l’aspect de la sécurité, son rôle est accentué en matière de surveillance des suspects et des étrangers (Austro-allemands, Ottomans, Autrichiens, Polonais suspects, mais également Italiens). Par ailleurs, le cabinet du préfet assure dès 1914 le contrôle administratif du camp d’internement de Guérande, où sont détenus les prisonniers de guerre ennemis (les archives sur ce camp sont conservées dans la sous-série 9 R). On y trouvera par exemple un répertoire alphabétique des Belges et Polonais. Les étrangers appartenant à des nations alliées ou neutres sont néanmoins surveillés et devront à partir de 1917 faire une demande de carte d’identité (qui sert également de permis de séjour et de sauf-conduit) et rendre compte de leurs déplacements. Les archives consacrées aux organismes en temps de guerre (sous-série 10 R) comporte un recensement des réfugiés, une partie de ceux-ci venant des pays voisins comme la Belgique.

Les sous-préfectures, comme les préfectures, sont également chargées de la surveillance des étrangers présents sur le territoire de leur arrondissement. Le fonds de celle de Châteaubriant (sous-série 2 Z) comporte des dossiers sur les étrangers, les nomades, les « indésirables », les réfugiés (notamment espagnols) entre 1873 et 1940, ainsi que sur les camps d’hébergement et d’internement de l’arrondissement liés à la guerre d’Espagne (Ruigné à Juigné-les-Moutiers, la Forge à Moisdon-la-Rivière.Celui de Paimboeuf (sous-série 3Z), contient quant à lui, des dossiers concernant les étrangers et réfugiés (dont le regroupement d’étrangers).

Pendant la Seconde Guerre mondiale

La Seconde Guerre mondiale, plus encore que la précédente, a accentué les phénomènes de surveillance.

Le fond du cabinet du préfet illustre ce phénomène. Le versement 1693 W consacré aux affaires de police comprend plusieurs articles sur le contrôle des étrangers, comme les républicains espagnols, les Italiens résistants et fascistes, ainsi que les réfugiés belges. Le versement 1694 W portant sur les affaires de guerre comprend des éléments sur les étrangers internés au camp de Châteaubriant. L’administration préfectorale continue d’instruire les demandes de titres de séjour. En témoigne dans les fonds de la direction chargée de la réglementation, un fichier des étrangers pour la période 1940-1945, chaque fiche renvoyant à un numéro de dossier individuel.. De même les sous-préfectures comme celle de Saint-Nazaire recensent et listent les étrangers présents dans l’arrondissement.

Pendant toute la durée de la guerre, les services de police judiciaire exercent leurs attributions normales auxquelles s’ajoutent de nombreuses autres activités liées aux circonstances, ce qui explique que l’on pourra trouver dans ses fonds un dossier sur la surveillance des Espagnols ou un autre sur telles associations de ressortissants allemands et italiens.

Aujourd’hui

Depuis 1999, la réglementation archivistique (circulaire AD 94-7 du 28 juillet 1994 de la direction des Archives de France) a établi le principe de l’échantillonnage des dossiers d’étrangers produits par la direction de la Réglementation de la préfecture (10 % de chaque lettre de l’alphabet). Dans ces conditions, les documents ainsi conservés ne servent plus à une recherche exhaustive ou nominative, mais à être le témoin de la pratique administrative vis-à-vis des étrangers.

Sur le sujet particulier des naturalisations,la collection de référence des dossiers est conservée à l’échelon national. Pour retrouver un tel dossier,il est nécessaire pour le chercheur, sauf dans le cas d’une naturalisation par déclaration ou par jugement (la mention est alors apportée en marge de l’acte d’état-civil) de trouver au préalable le décret de naturalisation grâce aux tables du Bulletin des lois (de 1855 à 1924) puis celles du Journal officiel. Les dossiers antérieurs à 1976 se trouvent aux Archives nationales (site de Paris de l’an XI jusqu’en 1930, site de Fontainebleau de 1931 à 1975). À partir de cette date, les dossiers sont conservés à la sous-direction des Naturalisations à Rezé qui est le service instructeur actuel des demandes.

Il existe une autre source d’informations, le fichier alphabétique des travailleurs étrangers pour la période 1949 à 1991 établi par la direction départementale du Travail et de l’emploi et du service de la main d’oeuvre étrangère (1518 W 1 à 31). Enfin, l’activité des services de police judiciaire en matière de surveillance s’exerce toujours en lien avec les circonstances historiques, comme en témoignent les dossiers de surveillance des Nords-africains dans le contexte des évènements d’Algérie.

Les Archives départementales recèlent donc d’importantes sources portant sur les étrangers. Elles permettent d’effectuer des recherches historiques poussées comme en témoigne l’ouvrage coordonné par Alain Croix, Nantais venus d’ailleurs. Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, publié en 2007,aux Presses Universitaires de Rennes.

Certains dossiers ne sont communicables librement qu’à l’expiration d’un délai minimum à compter de la date du dossier :

  • Dossiers de naturalisation et réintégration par décret, par mariage, par naissance : 50 ans
  • Dossiers de demande de titre de séjour, asile politique : 50 ans
  • Dossier de reconduite, expulsion : 50 ans
  • Dossier de surveillance des étrangers : 50 ans