Les archives des impôts directs sous l'Ancien Régime

Rôle de réformation du fouage, évêché de Saint-Brieuc, 1426 © ADLA
Rôle de réformation du fouage, évêché de Saint-Brieuc, 1426 © ADLA
Généalogie, Histoire économique

Les rois de France et les princes, à l’instar des ducs de Bretagne, tiraient des domaines qu’ils possédaient en propre des revenus qualifiés d’ordinaires. Assez vite cependant, ils ont mis en place un système d’impositions, qualifiées d’extraordinaires, et parmi celles-ci des impôts "directs" pesant sur les personnes ou leurs revenus. Les documents fiscaux qui en résultent sont une source d’histoire sociale et familiale. Quels sont ces impôts et que trouve-t-on dans le fonds de la chambre des comptes de Bretagne ?

Le fouage breton

Créé par la dynastie ducale des Montfort, le fouage pèse sur les seuls roturiers laïques, avec de nombreuses exemptions (par exemple, les habitants intra muros des « bonnes villes » du duché). D'abord destiné au paiement des gens de guerre, le premier fouage est levé en 1365 par Jean IV, par feu (ou foyer), d’où son nom de fouage (voir Liens d’archives n° 5, mai 2006). Après plusieurs variations, le nombre des feux est fixé, au milieu du XVIIe siècle, à 31 445, chiffre qui ne bouge plus par la suite. Malgré quelques révisions appelées réformations, il finit par devenir immuable, et sa fixité amène des inégalités et injustices choquantes dans sa perception.

  • Pour la période ducale : registre de la réformation de 1426 et quelques rôles nominatifs des réformations des évêchés de Quimper et Rennes, Saint-Brieuc, Tréguier et Vannes, entre 1426 et 1484 (B 2977-2986).
  • Pour l’Ancien régime : enquêtes éparses pour les années 1539, 1618, 1645 et 1652 (B 2989-2990, et B 3009-3012), quelques registres et liasses d’affranchissements pour les années 1513, 1577-1580, 1638-1662 (B 2991-3004), et registres de comptabilité générale des recettes et dépenses entre 1693 et 1786 (B 3005-3008 et B 3842-3872). Pour les années immédiatement antérieures à la Révolution, dans les rôles nominatifs du vingtième : montants du fouage payés par les contribuables concernés.

La capitation

Établie par Louis XIV en 1695 pour financer la guerre dite de la ligue d'Augsbourg (1688-1697), la capitation est un impôt sur les personnes, qui touche les trois ordres ; en sont exemptés les pauvres déclarés comme tels par les curés et les ordres mendiants. Les contribuables sont répartis en vingt-deux classes, selon leur profession et situation sociale, chacune soumise à un taux uniforme allant de 2 000 livres pour la première (dauphin, princes du sang, ministres, fermiers généraux) à 1 livre pour la dernière (soldats, manœuvres, journaliers). Le clergé est absent du tarif, et s’en acquitte par un don gratuit. Supprimée en 1698 à la suite de la paix de Ryswick, rétablie en 1701 à l’occasion de la guerre de succession d’Espagne, cette deuxième capitation devient un impôt permanent jusqu’à la Révolution.

  • Fonds de la chambre des comptes : série de rôles particuliers pour la noblesse entre 1717 et 1753 puis 1788-1789 (B 3484-3496) et rôles des autres contribuables des paroisses des neufs évêchés bretons de 1710 environ à 1753 (B 3497-3522 et B 3537-B 3664), avec aussi les années 1788-1790 pour les rôles des villes et paroisses de l'évêché de Nantes (B 3523-3536). Très lacunaires, les années pour lesquelles les rôles ont été conservées sont précisées dans un index alphabétique des paroisses, ainsi que d'un ensemble de comptes généraux de recettes et dépenses de 1696 à 1790 (B 3665-3760).

À noter

Les rôles de la capitation permettent de connaître la composition socio-économique d'une paroisse et de localiser individus et familles. Dressés par ordre topographique, ils contiennent souvent la profession des habitants.

Attention

Les rôles ne recensent que les chefs de famille, sujets à l'impôt.

Le dixième et le vingtième

Lancé en 1710 au moment de la guerre de succession d’Espagne, le dixième doit durer jusqu’à la paix. Il consiste dans le prélèvement de 10 % de tous les revenus de la propriété, déclarés par le contribuable lui-même. Il passe mal auprès de la noblesse et du clergé, qui le rachète avant d’en être exempté. Supprimé en 1717, rétabli entre 1733 et 1737, et à nouveau entre 1741 et 1749, il est remplacé par le vingtième. L’institution de ce nouvel impôt en pleine paix, pour le remboursement de la dette, est le signe que la notion d’extraordinaire perd son sens.

  • Fonds de la chambre des comptes : seuls subsistent les rôles du vingtième pour l'évêché de Nantes (ville de Nantes pour les années 1780 à 1790 et les autres paroisses de 1788 à 1790), qui rassemblent aussi le fouage (ce qui permet, sur une courte période, d'avoir une idée plus précise du niveau social d'une famille) ; pour le dixième, voir la comptabilité générale des recettes et dépenses pour les années 1735-1736 (B 3762-3765), conservée aussi pour le vingtième entre 1762 et 1784 (B 3796-3840).
  • Voir aussi : minutiers de notaires (qui pouvaient être appelés à dresser ces documents), archives communales (voir Liens d’archives n°21, octobre 2011).

Nota

La Bretagne était exemptée de la taille royale, ce qui explique l’absence de documents fiscaux de cet impôt d’Ancien régime par excellence dans le fonds de la chambre des comptes.